Danemark |
LES GROOMS AU DANEMARK 16 au 28 août 2013
C'est en juin 2012 soit plus d'un an avant la tournée que les premiers contacts ont été pris. Un agent danois a alors la folle idée d'organiser un festival de théâtre de rue itinérant sur tout le Danemark : Le « Gadeteater festival ». 7 compagnies professionnelles venant de 5 pays différents vont visiter 18 villes en 14 jours. Les compagnies sont les suivantes : Les Grooms (France), Claire (Catalogne/France), Corpus (Canada), Ole (Espagne), Infiorata (Italie), My way et The house (Danemark). Les villes visitées sont les suivantes : Randers, Gentofte, Gladsaxe, Odense, Langeland/Rudkobing, Svenborg, Aero/Marstal, Middelfart, Herning, Bogense, Assens, Sonderborg, Faaborg Midtfyn, Nyborg, Kerteminde, Aalborg. Les négociations avant le départ vont être longues et douloureuses : pendant des mois, chaque terme du contrat va être âprement discuté, chaque détail va être passé au peigne fin. Les échos au sujet de cet agent danois ne sont pas très bons et nous n'avons pas confiance. Alors il faut se prémunir de toute mauvaise surprise. Plusieurs fois nous menaçons de ne pas faire le voyage et l'agent va aller jusqu'aux larmes pour nous faire changer d'avis. 195 emails seront échangés avant de mettre le pied sur le sol danois !!! A notre grande angoisse, les détails de la tournée (nom des villes visitées) n'arrivent que quelques jours avant le départ... Nous ne savons absolument pas où nous allons dormir ni comment se déroulera le festival. 2 jours avant de partir, nous nous rendons compte que le minibus de tournée est bien trop petit et qu'il faut en louer un autre...L'agent nous apprend également que nous allons devoir utiliser notre carte bancaire pour payer les transports et que personne ne nous accueillera à l'aéroport...Nous avons très peur de nous faire avoir, d'avoir ces transports à notre charge, de ne jamais pouvoir nous faire payer... De même nous apprenons que la compagnie aérienne n'accepte pas les instruments en cabine et que nous allons devoir payer pour chaque instrument. Au final le voyage se passe bien et nous n'avons pas de supplément à payer dans l'avion. Nous avons tout de même hâte de pouvoir enfin rencontrer la fameuse agent afin de s'expliquer. Dès notre arrivée à Copenhague, il faut remonter au nord du Danemark à 300km de là (Randers). Nous sommes excités par ce nouveau pays : il y a d'immenses ponts gigantesques à franchir faisant plusieurs kilomètres de long, il y a des autoroutes gratuites où de nombreux travaux freinent la circulation, des lumières du nord rasantes. Et surtout des GPS qu'il faut suivre scrupuleusement pour ne pas se perdre... L'arrivée à Randers se fait sans encombres. La ville fait un peu ville du far ouest. Notre clarinettiste Axelle a ramené du saucisson et on organise un apéritif devant une usine de copeaux de bois. A notre grande joie, l'hôtel est confortable et le petit déjeuner gargantuesque. L'agent nous avait prévenus que l'hôtel allait être de qualité supérieure mais qu'en échange il fallait jouer 15 minutes de plus devant l'hôtel. Finalement ce mini set est annulé à la dernière seconde sans que l'on sache pourquoi... Et toujours pas d'agent en vue... La première représentation se passe en grande partie sous la pluie. Au départ et comme très souvent pendant toute la tournée, la place où l'on doit jouer est déserte et rien n'indique que nous allons jouer... Et puis dès les premières notes passées, le public grossit et se masse devant nous. On sent les spectateurs très surpris par un tel spectacle : le théâtre de rue n'existe pas au Danemark et tout est nouveau pour le public. Le festival est organisé uniquement par 2 personnes : l'agent et son assistant Peter Romer Halby. Peter est un homme d'une soixantaine d'années très sympathique mais pas toujours très efficace. Seule l'agent semble être vraiment sur le coup. Etant seuls à organiser le festival, la communication est défectueuse : beaucoup de spectateurs se plaignent de ne pas avoir été informés à l'avance de notre venue et trouvent cela dommage. Il faut dire que nous « essuyons les plâtres » et que c'est le premier festival de ce genre au Danemark. L'agent a tout de même extrêmement bien géré la logistique de son festival : la plupart des lieux de jeu sont bien choisis, nous sommes logés dans de magnifiques hôtels avec de somptueux petit déjeuners... Le deuxième jour nous devons retourner sur Copenhague et faire encore 300km de route. Enfin nous rencontrons la fameuse agent qui ne ressemble pas du tout à ce que l'on pensait : c'est une jeune et jolie jeune femme avec une voix toute douce et charmante. Tout le contraire de ce que l'on pouvait espérer !!! On est heureux de pouvoir passer une journée à Copenhague et de visiter un peu cette jolie ville. Les représentations ont lieu dans la banlieue de la ville. A nouveau on trouve un public fervent et très à l'écoute. La crainte de ne pas se faire payer est très présente et nous organisons une réunion afin de savoir quelle attitude adopter : soit dire à l'agent que nous refusons de jouer si elle ne paie pas les transports immédiatement soit lui demander de payer directement la location des voitures. Le stress est très présent car nous ne savons pas qui est réellement cette femme... D'autres compagnies connaissent les mêmes problèmes que nous. Notamment la danseuse Claire qui est très remontée contre l'agent... Claire et son assistant Quique viennent de Catalogne et sont très sympathiques. Cela fait des années que l'on croise la danseuse Claire dans les festivals sans jamais lui avoir jamais parlé. Claire et son ami ont très mal négocié leurs défraiements et ils sont contraints de préparer des sandwichs avec la nourriture du petit déjeuner. Plusieurs Grooms décident de faire de même et économisent leurs défraiements : nous appelons cela faire des « écodefs » chez les Grooms. Après des échanges peu cordiaux, l'agent nous promet qu'elle viendra avec nous à l'aéroport payer les voitures de location avec sa carte bancaire. Cela nous rassure mais nous craignons encore une arnaque quelconque. Les villes visitées sont souvent toutes petites et le scénario est identique chaque jour ou presque : la rue piétonne où l'on doit se produire est déserte et on se dit qu'il n'y aura absolument aucun spectateur. Et puis dès notre apparition dans la rue, le public débarque et nous suit assidument. Souvent des écoliers ou des groupes de handicapés viennent assister à la prestation. Le public nous porte et est ultra chaleureux. Nous devons jouer quotidiennement dans 2 villes différentes souvent distantes entre elles de 100 à 200 km... Il faut aller vite et nous avons peu de temps pour nous préparer et nous chauffer. Souvent il faut se changer dans la voiture et jouer directement au saut du camion sans répétition ni repérage aucun... La dramaturgie de nos sets est souvent la même. Nous expliquons au public que nous sommes venus au Danemark pour une raison précise : alors que nous habitons dans le plus beau pays du monde, avec les plus beaux paysages, la meilleure nourriture, les meilleurs vins, la France n'arrive que 47ème au classement des pays les plus heureux. Alors que le Danemark qui est tout plat, où la nourriture est horrible, où il pleut tout le temps, où les hivers sont horribles arrive 1er au classement des pays les plus heureux. Nous ne comprenons pas ce phénomène et venons percer le secret du bonheur danois pour le ramener en France.... Nous interrogeons les spectateurs pour savoir à quoi tient leur bonheur : une des meilleurs réponse fut la suivante : les Danois se font confiance et c'est pourquoi ils sont heureux. Dans tous les cas, les Danois apprécient beaucoup notre humour et participent activement au spectacle. Les journées étant chargées, nous faisons peu la fête et le groupe se transforme en équipe ultra sportive : pendant que certains vont à la piscine à 7h du matin, d'autres partent courir ou marcher en bord de mer. Bruno devient le spécialiste des bains de mer en eau froide !!! L'ambiance est très bonne dans le groupe et cela se ressent sur la musique : à force de jouer ensemble, nous arrivons à jouer plus juste, à faire plus de nuances, à trouver un son commun. Il faut dire que l'effectif a été enrichi de plusieurs anciens élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et cela nous aide beaucoup. C'est assez cocasse car ce sont les « petits jeunes » qui font la leçon aux « vieux schnoks »....Et voir arriver de tels musiciens dans notre groupe qui a commencé à faire de la musique il y a 30 ans en se faisant lancer des tomates pourries dessus est une sacrée surprise !!! Pendant des années, le groupe était constitué de 7 garçons et 1 fille. Sur cette tournée danoise, nous sommes 6 garçons et 3 filles. Cette évolution vers la parité amène le groupe à se modifier dans le bon sens. Notre nouvelle saxophoniste Axelle décide un jour d'organiser un apéritif dans le jardin d'un hôtel. Nous terminons tous un peu éméchés à l'aquavit et heureux d'être présents dans ce beau festival. Puis le lendemain, un autre groom décide de faire de même. Et ainsi de suite jusqu'à la fin du séjour... Les mets sont de plus en plus variés et l'apéritif se transforme en véritable repas où nous invitons nos amis catalans Claire et Quique. Le séjour avançant, nous nous sommes peu à peu rapprochés des autres compagnies présentes : la compagnie Corpus venant du Canada avec son spectacle « Les moutons » et « Flyers », la compagnie Olé venant d'Espagne avec son incroyable chanteur déjanté Paul Mauroco...Le dernier jour de la tournée à Aalborg, l'agent a organisé un repas en commun qui s'est terminé à 5 heures du matin avec un immense « bœuf ». Le Danemark est un pays ultra riche où nous n'avons pas vu de clochards, pas d'immeubles ou presque (tout le monde habite dans des maisons), pas de policiers... Les Danois habitent de grandes maisons très lumineuses créées par des architectes contemporains. Il y a des éoliennes partout et des équipements solaires à foison. Ils ont rasé toutes leurs forêts et le pays entier est cultivé : pas de montagnes en vue, rien que des champs à perte de vue... Durant notre séjour, nous n'avons pratiquement pas pu manger de poisson. Il semble avoir disparu de la mer !! Et puis les Danois semblent apprécier l'art contemporain. Beaucoup de beaux tableaux dans les chambres d'hôtel et dans les lieux publics. La lumière du nord est particulière et nous avons pu profiter de beaux couchers de soleil et de lumières tamisées magnifiques. Les longues promenades sur les plages danoises resteront également dans nos souvenirs... Au final cette tournée fut enrichissante et très positive. l'agent fut charmante et nous n'avons eu à manquer de rien. Nous avons rencontré de nouveaux amis et les spectacles furent de bonne qualité avec une météo estivale pendant 15 jours. Le Danemark est un pays où les arts de la rue ont un bel avenir. C'est un art inconnu mais les Danois semblent prêts à l'accueillir à bras ouverts... Une nouvelle tournée est envisagée avec l'agent. Nous nous en réjouissons par avance.
Christophe RAPPOPORT, Trompettiste Photos : Babette Hérault, Quique de Benito, Jesper Villadsen. Un grand merci à eux... |