Algérie |
Les Grooms en Algérie – Mai 2001 Spectacle « La flûte en chantier »
OUESMEK Le Who's who des Grooms en Algérie par Laurent Searle, tromboniste des Grooms On a été en Algérie et surtout, on en est revenu. Il faut dire partout que l'Algérie est un pays merveilleux Il faut parler du peuple algérien, de sa douceur et de sa tendresse. Pour ceux qui ne sont pas au courant : Répondant à l'invitation du Centre Culturel Français les Grooms (fanfare théâtrale) sont partis une semaine en Algérie pour jouer « La flûte en chantier » à Alger, Oran et Annaba... Vu le contexte actuel, personne n'était très gaillard à l'idée d'aller se balader dans cette région du monde... En plus, le départ a correspondu avec les aveux du Général Aussares à propos des tortures pendant la guerre... La belle guerre d'Algérie dont certains militaires français sont encore si fiers. Ambiance. Pour notre venue, l'Ambassade de France avait imposé des normes de sécurité assez sévères ce qui rassurait tout le monde : les Grooms, leurs femmes, leurs enfants... A la crainte d'un éventuel attentat s'ajoutait celle de proposer un spectacle trop choquant. Quand un groom joue de la musique, y a touchette... Peut-on toucher une musulmane en pays musulman à côté de son mari musulman que l'on soupçonne à priori d'être plus ou moins intégriste ? Une femme peut-elle déshabiller un musulman en public... Avec le recul, ces questions semblent bien correspondre à toutes les idées préconçues que l'on a en France concernant l'Algérie et le monde arabe. Les réponses à ces inquiétudes sont venues toutes seules, à travers les rencontres. L'ambiance qui régnait dans les sites choisis pour les représentations (et qui étaient des lieux sécurisés, comme on dit) était agréable : les badauds badaudaient, les commerçants commerçaient et la ville vivait... A cela s'ajoute un accueil extrêmement chaleureux : le personnel du Centre Culturel Français et nos gardes du corps ont été de formidables ambassadeurs. Quant au spectacle, il s'est déroulé dans des conditions normales. Le public était réceptif, doux et naïf... Très réactif. Parfois l'ambiance virait un peu au Guignol. Et pour tous les problèmes de culture, il suffisait de faire comme d'habitude : De s'arrêter avant d'aller trop loin. Au final, on remercie infiniment le Centre Culturel Français de nous avoir obligé à aller en Algérie. Voici, pour illustrer ce voyage, quelques anecdotes en vrac... C'est le « Ouesmek » des Grooms. Asmi Félix Martin Ouesmek? Je m'appelle Félix Martin et toi ? Quand on joue La flûte au cœur d'Alger... Il y a une cinquantaine d'hommes en arme ... Ils écoutent la musique, ils se marrent, c'est bien, ça fait du public. Un jour, l'hôtel met à notre disposition une salle de répétition ; c'est sympa ... C'est une boite de nuit qui a l'air désaffectée (verres cassés, araignées crevées). N'empêche : Très beau décor, céramiques pour faire se pâmer le touriste. La salle est située au sous-sol et semble inaccessible de l'extérieur. N'empêche : Un membre de la sécurité reste avec nous pour nous protéger. On joue un air et tout va bien, on joue deux airs et tout va bien. Au troisième morceau, notre garde du corps s'effondre en larme. Il nous déclare tout de go qu'il est romantique et que notre musique le bouleverse. On n'imagine pas la sensibilité de ces hommes là. En Algérie, les hommes en arme ne jouent pas aux cow-boys, bien au contraire. Ils sont cœurs d'artichauts, petits « kleenex » et grandes émotions. Un vrai bonheur. Oran est la deuxième ville d'Algérie. Le Théâtre d'Oran est le plus grand de la deuxième ville d'Algérie. Un théâtre à l'Italienne tout comme il faut. Très joli, très beau. Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Clermont Ferrand Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Versailles Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Moulin Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Rouen Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Montbéliard Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Villeurbanne Comme un théâtre à l'ancienne en plein cœur de Dijon Rappel : A la fin du spectacle, Diego choisit un spectateur qui participera au grand rite initiatique orchestré par le grand Sarastro lui-même (cf. « La flûte enchantée » de Wolfgang lui-même). Il sera notre Tamino à nous, souvent chevelu, barbu, bourru, joufflu ... Diego choisit toujours quelqu'un de «remarquable ». Pour le remercier, pendant le salut, on lui offre le CD de la « La Flûte ». A Oran, Diego a choisi un sourd-muet qui ne parlait pas français (Authentique !). Quand on lui a offert le CD, il était ravi. Norredine et Abdel Kader formaient notre escorte permanente. A la fin du séjour, on s'embrassait et on pleurait en écoutant Norredine nous faire ses adieux en Arabe. Annaba : Il n'y avait pas de fenêtre pour jouer le deuxième acte. Alors les organisateurs locaux, nous ont construit un cabanon juché sur un mur. Les chiottes en Algérie ne sont ni à la Turque ni à l'occidentale, ce sont des chiottes à l'amiable. Fesses sensibles s'abstenir. Autant faire à côté. J'ai une pensée émue pour ceux de Annaba et pour les loges aussi. Par mesure de sécurité, on dormait à deux par chambre ce que l'on n'accepte plus jamais sauf par mesure de sécurité... Officiellement, Diego ne ronflait plus depuis 6 mois ... Information démentie officiellement depuis qu'on a dormi à deux dans chaque chambre en Algérie. Au bout de trois nuits, par délicatesse, Diego s'est installé dans un couloir tout noir pour ne plus déranger son voisin (Laurent avait des valises à porter sous les yeux tous les matins). C'est là qu'il a dormi. Et là, isolé du monde, il semblait que Diego ne ronflait plus. « Tu diras à Zidane que l'Algérie l'aime ». C'est la 1ère fois que l'on se baigne entouré par deux hommes en arme C'est la 1ère fois que l'on est escorté par deux motards C'est la 1ère fois que l'on n'a pas le droit de sortir de l'hôtel Quand on joue « la flûte », il y a touchette. Nous, on joue de la musique au corps à corps. Au début, on n'osait pas trop... Petite trouille... Et que fallait-il faire ? ignorer les coutumes ? Ignorer la religion ? On s'est lâché petit à petit. Au compte goutte. Le centre d'Alger est très beau mais on ne l'a pas vu. A l'aéroport, tu entres dans une salle, t'es fouillé. Passeport exigé. A l'aéroport, tu sors d'une salle, t'es fouillé. Passeport exigé. Tu montes dans le bus, passeport exigé. Tu descends du bus, passeport exigé. Pour monter dans l'avion, tu dois d'abord aller reconnaître ta valise qui est rangée avec toutes les valises sur la piste. Sinon ta valise ne monte pas dans l'avion Les Français et leur complexe de supériorité me font chier. Quand je parle de l'Algérie, de la merveilleuse ambiance, on me répond : C'est normal, ils sont tellement fliqués qu'ils ont intérêt à se tenir à carreau ! Car il est bien connu que le flicage rend les gens souriants et aimables... (Il paraît que tous les condamnés à mort aux États Unis sont des gens charmants, aimables et souriants) On a mangé dans un restaurant de la pêcherie d'Oran. A table c'était un mélange de gardes du corps, de responsables du théâtre, de dignitaires de la ville et de Grooms. Et on ne pouvait pas dire qui était qui. Au menu : Fritures, fritures, fritures... On mangeait avec les doigts, l'assiette c'était la nappe, on parlait de tout et de rien et la vie était belle. Autour d'une telle tablée, tout le monde est ministre. Le dernier soir, on parle des Arabes de France. Il paraît que ceux qui viennent passer leurs vacances en Algérie sont vraiment désagréables, qu'ils se comportent avec sans-gêne. Pour eux, nous disait-on, l'Algérie est nulle, c'est le Bled... Ils viennent, ils friment et voilà tout. La fin de la discussion est ponctuée par cette phrase sans appel : gardez-les. Cette discussion me rappelait la Lozère qui se fait envahir en été par les Gardois originaires des Cévennes. Le retour des gardois est vécu comme un pillage. Entre gens du Gard et gens de Lozère, il règne une tension tangible... Les Algériennes sont belles et féminines. Celles qui portent le voile aussi. A Annaba, une jeune arabe a suivi tout le spectacle au 1er rang en essayant de chanter avec nous... je ne sais même pas si elle parlait français. Les femmes Arabes Leurs yeux Leur regard Leur sens de la répartie La chaleur Et mon âme au diable Il y a 20 quotidiens qui paraissent à Alger. Ils tapent sur le dos du régime, ils gueulent, ils critiquent... Et puis voilà pas que j'apprends que le régime adopte une loi visant à interdire les dessins humoristiques se moquant du Président... Et Merde. Conférence de presse : Il y avait une trentaine de journalistes et des petits fours. La classe. Dans un article, le lendemain, une phrase dite par Christophe a été attribuée à un autre Groom. Depuis, Christophe trouve que les journalistes algériens sont nuls. Y aura-t-il un jour un autre Ouesmek ? Dieu seul le sait ! |