Mexique |
Les Grooms au Mexique – 18 au 27 avril 2008 La Groomex ltd - Guadalajara Récit de voyage de Laurent Searle, tromboniste des Grooms
Au Mexique, il y a les riches, les pauvres et les Grooms : Fotos ! Riche : Le soleil. Le soleil est partout. La température est supportable. 35° bien secs. L'altitude apporte un peu de fraîcheur le soir. Comment peut-on se sentir malheureux. Pauvre : le billet de 20 pesos. Riche : Nous sommes défrayés en euros, dépensés en pesos. Une méchante envie de faire fortune à Mexico Riche : le bon, le brave mexicain. T'arrives à Guadalajara Et tu t'attends à voir du Mexicain à tous les coins de rues. Bingo, gringo. Y en a partout. Quand on se croise, on ne se dit rien. Le mexicain semble taciturne. Epais. Fausse alerte, quand on parle, c'est formidable. Le mexicain est top agréable. Une fontaine. Sourires, sourires, service, gentillesse, légèreté. Génial. Riche : Festival et cascade de fruits. Le site du festival ressemble à une foire commerciale poussiéreuse avec des scènes plantées sous le soleil. Elles accueillent les spectacles du soir : clowns, marionnettes, concerts. Les allées qui mènent aux scènes : Petites allées, tentes blanches, barnum. Elles sont garnies de stands où toutes les tendances se mélangent : banques, bibelots, téléphones, maisons à bâtir, coussins, canapés, jus d'ananas, bondieuseries, sous vêtements sexy pour hommes. Mais le commerce au Mexique n'a rien à voir avec la foire de Paris. Kermesse. D'emblée, on craint le pire de la fête à gogo mais c'est un pire qui prend le temps de vivre. Certains stands sont tenus par des vendeurs à la sauvette sauf qu'ils ne se sauvent plus. Notre grande copine c'est une petite dame, la soixantaine entamée, qui vend des fruits coupés en morceaux dans de grands verres en plastique. Tous les jours on se précipite pour lui acheter (même pas 1 euro payé en pesos) de la mangue, de l'ananas, de la pastèque. On mange des fruits en veux-tu en voilà. On trouve de ces fruits en godet partout en ville. Des fruits, des fruits, des fruits. Ils sont servis saupoudrés de sel, de chile et de citron vert. Si t'es parigot, tu refuses le chile. Si t'es nabot tu refuses aussi le sel et le citron. La petite dame n'en revient pas. Les français sont des chochottes. Pauvre : Inquiétudes. Les allées du festival sont bruyantes, les restaurants diffusent leur musique, programment leurs propres groupes. Trompettes, mariachis et nuance maximum. Les stands commerciaux se situent dans des allées serrées, y a pas de place, y a pas d'endroit vraiment sympa, y a pas d'idée. On a l'impression de devoir jouer pour le salon des produits régionaux du sud ouest de la France. Qu'est-ce qu'on fout là, pourquoi on traverse la moitié du monde... En plus, notre première intervention est pathétique. Inauguration : On doit jouer pour les officiels mais les officiels préfèrent aller voir le grand spectacle déambulatoire de la compagnie Oposito qui se déroule en même temps... ailleurs. Les officiels sont... ailleurs. Nous jouons nulle part et pour quasi personne. Un triunfo. Riche : Heureusement, les organisateurs nous font vite confiance. Archi confiance. Grands sourires, compliments en espagnol que presque personne ne comprend. On se trouve moins bons que la confiance qu'ils nous accordent Mais on accepte. Et puis ils se débrouillent pour nous mettre dans les meilleures conditions possibles en partant, il faut le dire, d'assez loin. Riche : Les accompagnateurs nous chouchoutent. A chaque sortie de la Fanfare, ils veillent au bruit. On est toujours accompagné par deux ou trois personnes qui font taire toutes les sonos environnantes. On peut jouer où l'on veut et avec le sourire... Du coup, on s'amuse un peu plus chaque jour. Pauvre : C'est un peu idyllique comme description. On a 45 ou 50 ans dans les jambes 20 ans de Grooms. Il en faut plus que ça pour nous émouvoir. Dans la loge (une tente ouverte de partout, très loin de la loge qui ferme à clef que l'on est censé exiger à chaque contrat !), on est assis chacun en petit paquet sur nos chaises en attendant de passer. On se demande comment rallumer la flamme. Oui mais non. Riche : Petit à petit, on fait notre trou, il n'y a pas toujours beaucoup de monde Mais le public est attentif et chaleureux. Parfois exubérant, parfois hyper tonique. Caramba ! On enchaîne les sets (10 jours, 2 sets par jours) sans angoisse. On a rendez-vous. Et ce rendez-vous est agréable. Plus ça va, plus on interconnecte le mexicain, la mexicaine, señor traductor, señora cantante. Le Mexique ça vous revigore un Groom ! Riche : Telmex, pemex y dios. Le modèle économique est simple. L'essence : c'est pemex Le téléphone c'est telmex Pour le pétrole, la situation du Mexique est formidable. Il y a du pétrole en pagaille qui n'est pas commercialisé, il est gardé, bichonné. On pioche dans la réserve juste ce qu'il faut pour la consommation nationale. Mais, le Mexique ne sait pas raffiner le pétrole qui transite par les formidables USA Avant de revenir transformé en nectar d'essence et d'être vendu par Pemex. Si tu veux mettre de l'essence dans ta bagnole, c'est Pemex. Toutes les stations que l'on voit, c'est Pemex Ca sent le monopole d'état mais privé. C'est peut-être la même chose. Pemex est visiblement dirigé par les syndicats. On ne sait pas si c'est bien ou non. Comparé à la station Esso située au kilomètre 60 de l'A13, l'essence est très bon marché (tout est bon marché quand on est payé en Euros) Il parait que Pemex tourne à perte... A vérifier Idem pour le téléphone. Privatisé au profit de Telmex. Le type qui dirige Telmex possède une fortune colossale. Genre 10ème fortune du monde. Peut-être que je confonds entre deux personnes mais ça revient au même. Il y a un mec au Mexique qui possède le téléphone Et un mec au Mexique qui possède 1000 fois plus d'argent que tu pourrais y songer en payant tes impôts. Plus le soleil. C'est lui qui paye le festival, qui paye les grooms comme on paye le café du matin aux copains. Pauvre : Le Groom convertit en amuse gueule pour milliardaire mexicain. Ca relativise l'ambition artistique, ça altère la conscience politique. Pauvre : Chauffage au gaz. Le chauffage au gaz ne marche pas du tout Et même pour la cuisine ça n'a pas l'air d'une affaire Le gaz est vendu par un camion minable qui sillonne les rues des quartiers populaires. Avec une sono qui braille comme celles qui annoncent le passage d'un cirque ambulant le mercredi matin dans ton village. Je pense qu'au Mexique, on vend du gaz en désespoir de cause. Riche : Et puis Dieu. Tout le monde croit en Dieu au Mexique. Dieu est sans doute l'homme le plus riche du monde du pays. Pauvre : Organisacion' y désorganisacion. C'est la pagaille. L'organisation nous inquiète. On est à mi-parcours et tout va bien. Organisacion', représentacion', satisfaccion', congratulacion' Le Mexique aime les Grooms Les grooms aiment le Mexique Sauf que les virements ne sont pas faits. Décepcion'. On nous les promet pour le lendemain. Toujours demain. Le Groom retrouve ses réflexes de Groom. Contestacion'. On a peur pour notre argent, c'est normal. On ne traverse pas la moitié de la planète en angle droit dans un avion exigu pour pas un rond ! Le contrat ! On veut le contrat ! Riche : En vrai tout se passe bien On est payé juste à temps. On pourra reprendre l'avion l'esprit tranquille et jambes pliées en deux sous le menton. Pauvre : El camion. On profite de nos heures de touristes pour prendre le bus. Il y a des bus partout et dans tous les sens. Ambiance rodéo. Le bus est roi, il fonce, il frôle, il slalome. Les bus fonctionnent comme les taxis, les chauffeurs achètent une concession et ils sont responsables de leur bus. La recette est pour eux. Du coup, le chauffeur fait ce qu'il veut sur le trajet. S'il ne veut pas s'arrêter à un arrêt, il trace la route laissant sur le trottoir les passagers qui l'appellent. On s'arrête aussi au milieu d'une rue pour faire la révision des niveaux. Pendant cinq minutes personne ne bouge, pas de descente ni de montée, le chauffeur arrête le moteur et attend. Rien. La circulation est bloquée derrière nous. Tout d'un coup un bonhomme se jette sous les roues du bus puis se relève armé de chiffon et le visage enduit de graisses. Il monte, le chauffeur lui donne quelques pièces, c'était le garagiste. Riche : Les chauffeurs installent de petits autels dans leur cabine. Dieu est partout. Riche : goulou goulou y Colo colo On joue de la musique devant un stand Coca-cola. Les mexicains sont de grands buveurs de l'élixir du docteur U.S. Et tous les problèmes d'obésité qui vont avec. Dans le même temps, il suffit de gratter un peu pour apercevoir un sentiment de répulsion vis-à-vis du puissant voisin mais aussi du désir. Une constance sans rien de féroce mais ce n'était pas l'endroit. Difficile de vraiment savoir. Quand même, il apparaît que le mur de la honte construit par el profesor Bush est mal vécu. Il stigmatise la puissance des uns et la nécessité des autres. On nous dit : Comme ça, la vie a l'air facile mais c'est dur de s'en sortir au Mexique, beaucoup de gens sont pauvres, il faut toujours travailler pour gagner pas grand-chose. Beaucoup de petits boulots, vendeurs de journaux, de cartes téléphoniques, clowns de carrefour qui font leurs numéros pendant le feu rouge. Personne ne rigole. Dans toutes les familles, des gens partent aux Etats Unis pour gagner plus d'argent. Et on ajoute : Beaucoup de ceux qui partent reviennent déçus On nous affirme aussi le contraire. Va savoir. Autres échos : La moyenne d'âge est faible, l'espérance de vie aussi, l'eau courante n'est pas potable mais l'eau courante n'arrive pas partout. Dans les quartiers les plus pauvres (qu'on n'a pas vus) c'est soleil, désolacion'... y Dios. Pauvre : Les allusions faites au profesor Bush durant les présentations des Grooms sont accompagnées de sifflets. Bon, ça ne fait pas une révolution, ni même un mouvement de foule. Juste un sentiment de fuck me fuck you entre amis. Riche : Quand même, on arrive à faire chanter en chœur le public sur l'air de Casta Diva. D'habitude, il suffit de faire : laaaalalaaaalalaaaalalaaaala... c'est classique, c'est international. Ici, on change les paroles. Cooca-coola-cooca-coola... un succès aussi. Pauvre : pas sûr qu'on parviendra à changer le monde comme ça. Pauvre : Marvelous. Avec Dieu et le soleil au pouvoir, le Mexique est immortel. Pas de protection sociale, pas d'impôts (lire : bien sûr qu'il y a une protection sociale mais tellement faible, bien sûr qu'il y a un impôt mais personne ne le paye... et l'école ! Pas d'école pour les plus démunis, c'est trop cher ou trop nul... et patati et patata... ça n'étonne personne, c'est peut-être ça le pire : ça n'étonne personne, on a l'impression que le moral en baisse façon Sarkozy se retrouve partout dans le monde du Mexique et personne ne croit plus en rien, même Dieu, même le soleil) Riche : Positif! Satisfaction. Il y a une énergie formidable consacrée à la réussite. Si tu demandes quelque chose, on se débrouille pour te le procurer. C'est vrai dans le commerce mais c'est vrai aussi en dehors de cette relation. Ici, on veut que les choses se fassent, sourire, efficacité, décontraction... Tout est dans la décontraction, très peu de stress. La réponse préféré du mexicain est : oui. Riche : Muchas gracias. Quand tu donnes un pourboire au serveur et au chauffeur de taxi, il sourit avec un grand : merci. Pauvre : La ecología no pasará !! Même pas l'ombre d'une idée de l'écologie. Plastiques à Gogo Grosses bagnoles à 3000 euros (va faire fortune à mexico !) Pas de recyclage de l'eau Tout finit dans ta baignoire Pas l'ombre d'une idée concernant le réchauffage de la planète... (35° pour commencer) Et en ce qui concerne les OGM... Faut dire qu'il y a d'autres urgences. Par exemple : Vivre Riche : Viva la muerte La mort est gaie, la mort est belle. Elle fait partie de la vie mexicaine On danse la mort, on joue la mort On est très loin de ce sentiment d'injustice très occidental Comme si la mort était injuste ! Pas du tout ! La mort est on ne peut plus solidaire Tout le monde y passe et c'est quand même une bonne nouvelle. Riche : Souvenirs Des bonbons de têtes de morts Des statuettes de squelettes Des bibelots de cercueils Et puis le bon dieu sans concession Des croix, des icônes, des bougies... Pauvre : Perdu ! Et la France, c'est où la France ? C'est qui, c'est quoi ? Ici, on a une idée assez vague de la France. Il faut voyager pour se rendre compte de la véritable dimension de la France. Ridicule. Laurent SEARLE |